Le nombre de licenciements collectifs atteint un pic juste avant les élections sociales
L'extension de la période de référence à 120 jours doublerait le nombre d'employeurs et de travailleurs concernés par les licenciements collectifs
30 november 2023
La proposition du ministre du Travail, Pierre-Yves Dermagne (PS), vise, entre autres, à doubler la période de référence pour un licenciement collectif de 60 à 120 jours. SD Worx, qui a accompagné un licenciement collectif sur trois en 2022 - 2023, en a calculé l'impact à partir d'un échantillon réel de salariés licenciés en 2023. Le nombre d'employeurs concernés par un licenciement collectif doublerait, de même que le nombre de travailleurs touchés. Par rapport à l'année dernière (sur la période de janvier à septembre), le nombre d'annonces de licenciements collectifs effectives a déjà augmenté de 55 %, passant de 40 à 62 employeurs. Cette évolution est inhabituelle pour l'année précédant les élections sociales de mai 2024.
Impact d'un éventuel élargissement
Pour déterminer s'il s'agit d'un « licenciement collectif », il faut vérifier le nombre de travailleurs que l'entreprise licencie au cours d'une période de 60 jours. Ces seuils varient en fonction de la taille de l'entreprise. Par exemple, il peut déjà y avoir licenciement dit collectif si 10 travailleurs sont licenciés[1]. Si cette période est maintenant élargie et que le même nombre de licenciements est mis en œuvre sur une période plus longue, il est plus probable qu'il y ait des licenciements collectifs. Dans le cas d'un licenciement collectif, il existe une obligation de consultation sociale intensive, qui débouche souvent sur ce que l'on appelle un « plan social ».
SD Worx a analysé qu'en étendant la période de référence à 120 jours, presque deux fois plus d'employeurs (+86 %) et de travailleurs (+110 %) sont couverts par ces obligations et procédures.
Les travailleurs licenciés dans le cadre d'un licenciement collectif recevront également des indemnités de reclassementde la part de leur employeur. Depuis le début de cette année, ces indemnités sont entièrement à charge des employeurs. En mai, SD Worx a également calculé l'impact d'une modification de la loi selon laquelle les employeurs ne peuvent plus réclamer ces indemnités de reclassement à l'ONEM[2]. Par conséquent, si la proposition des 120 jours était également étendue à l'obligation de payer des indemnités de reclassement, ce coût supplémentaire s'appliquerait à deux fois plus d'employeurs et de travailleurs.
Les consultants juridiques de SD Worx ont supervisé environ 1 licenciement collectif annoncé sur 3 au cours des deux dernières années, ce qui fait de SD Worx l'expert absolu dans ce domaine.
Marc Morren, Expert en concertation sociale chez SD Worx : « D'une part, le démarrage plus rapide de la procédure d'information et de consultation peut améliorer la qualité du dialogue social, même si l'on peut se demander si la contraignante loi Renault est le meilleur moyen d'y parvenir. D'autre part, les coûts supplémentaires risquent d'aggraver la vague de licenciements parmi les employeurs concernés. Si le coût légal des licenciements augmente, les possibilités d'engagements extralégaux peuvent également se réduire (qu’on appelle « plan social »), ce qui est à nouveau négatif pour les travailleurs et tous les partenaires sociaux. »
À la suite de l'avis du Conseil National du Travail, le conseil des ministres doit encore examiner les propositions.
L’étude de SD Worx établit que :
- L'extension à 120 jours fait passer le nombre d'employeurs de 36 à 67 ; dans divers secteurs, notamment le commerce de détail, les ICT, l'alimentation, l'industrie manufacturière et l'industrie pharmaceutique. Ces employeurs emploient au total 26 531 travailleurs, pour atteindre 55 603 travailleurs sous la proposition des 120 jours.
- Cela concerne à la fois les PME (< 250 travailleurs) et les grandes entreprises (> 250 travailleurs).
Augmentation de 55 % des licenciements collectifs annoncés d'ici à 2023 (par rapport à la même période l'année précédente)
Selon les derniers chiffres du SPF Travail, 62 unités techniques d'entreprise (UTE) ont entamé une procédure d'information et de consultation au cours de la période allant de janvier 2023 à septembre 2023 ; cela concernait 5315 travailleurs, dont la majorité en Flandre (67 %)[3]. Les secteurs de la (pétro)chimie et de la distribution sont les plus touchés, soit 55 % de plus que pour la même période l'année précédente. Entre janvier et septembre 2022, 40 unités techniques ont lancé une procédure d'information et de consultation pour 2 547 travailleurs (70 % en Flandre), principalement dans les secteurs du textile et de la (pétro)chimie. En 2021, des licenciements collectifs ont été annoncés dans 70 entités juridiques, pour un total de 5376 (43 % en Flandre). Entre janvier et septembre 2020, 72 unités d'exploitation technique ont annoncé leur intention de procéder à des licenciements collectifs, ce qui concernait 6 811 travailleurs. Au cours de la période allant de janvier 2019 à septembre 2019, 61 unités d'exploitation technique ont annoncé une intention de licenciement collectif ; cela concernait 4126 travailleurs.
Marc Morren de SD Worx conclut : « Il est étonnant que de nombreuses entreprises lancent encore parfois de profondes réorganisations à la veille des élections sociales. En effet, ces élections sont normalement l'occasion d'une pause dans les processus de changement majeurs en matière de ressources humaines. Il semble que ce soit moins le cas pour ces élections. »
Informations complémentaires :
Références
[1] Le nombre exact de travailleurs dépend de la taille de l'entreprise Licenciement collectif | SPF Emploi, Travail et Concertation sociale (belgique.be)
[3] Source : Statistiques relatives aux restructurations | SPF Emploi, Travail et Concertation sociale (belgique.be)