Gestion durable des talents dans le secteur financier : la technologie à la fois moteur et solution
Les défis sur le lieu de travail ne cessent d’augmenter : beaucoup de vacances, un nombre record de malades de longue durée, l’automatisation et l’évolution rapide des emplois. C’est pourquoi bon nombre d’entreprises changent leur fusil d’épaule et cherchent leur salut dans la mobilité interne et le développement et la stratégie de talents, y compris dans le secteur financier. « L’avenir appartient aux organisations qui continuent à aligner leurs besoins sur ceux de leurs travailleurs individuels », déclare Jan Laurijssen, Senior Researcher chez SD Worx.
Une armistice dans la lutte pour le talent ?
« Il est clair qu’en 2024, les entreprises ne peuvent plus se passer de stratégies réfléchies de gestion durable des talents », explique Jan Laurijssen. « L’emploi atteint un niveau record et cela devrait se poursuivre jusqu’en 2040 ou 2050. Aujourd’hui, chaque métier est pour ainsi dire un métier en pénurie. En 2022 par exemple, le nombre de vacances dans le secteur financier a augmenté d’environ 60 % par rapport à l’année précédente. »
« Comme la finance est en outre soumise à la numérisation età l’automatisation depuis quelques décennies, les fonctions actuelles ne sont plus comparables à celles d’il y a 5 ans. En raison de l’arrivée de l’intelligence artificielle, différentes fonctions changeront radicalement, ou disparaîtront même complètement. Une multitude de travailleurs devront bientôt assumer un nouveau rôle. Il revient aux employeurs de soutenir leurs travailleurs dans ce cadre et de dialoguer régulièrement avec eux concernant la suite de leur carrière. » Selon Jan, cela doit éviter que les entreprises s’attaquent au rare potentiel de travail de chacune.
« Il est temps de conclure une trêve et de réfléchir à des moyens plus durables d’attirer et de conserver les talents. Ne sous-estimons pas l’importance d’éviter que les collaborateurs ne décrochent. La Belgique compte actuellement quelque 500.000 malades de longue durée. Cette statistique est diamétralement opposée aux principes de durabilité et doit certainement être prise en compte dans le développement d’une politique adéquate en matière de talents. »
Chercher un nouvel équilibre
Auparavant, les organisations se tournaient surtout vers le marché de l’emploi pour pourvoir leurs vacances financières. Mais le déséquilibre radical entre l’offre et la demande leur fait changer leur fusil d’épaule. « Qui dit recrutement, ditdésormais formation », commente Jan. « Seules les entreprises qui parviennent à créer une mobilité interne flexible sont à l’épreuve du temps. C’est la base d’une gestion durable des talents. En outre, lerecours temporaire ou non à des talentsexternes offre des opportunités de conserver une expertise suffisante, surtout pour les fonctions financières qui se professionnalisent à un rythme effréné. »
« Dans le contexte de l’organisation du travail, il peut également être intéressant de prendre deux autres B en considération, outre les classiques Build, Buy et Borrow. Vous pouvez ainsi considérer les « bots » comme des travailleurs supplémentaires qui reprennent une partie du travail actuel. Le « bounce » constitue aussi une autre piste, où vous laissez la porte ouverte aux travailleurs qui partent en vue de revenir un jour. » Une chose est sûre : la gestion des talents va bien au-delà du simple recrutement de talents.
Développer les aptitudes de carrière
Lorsque de toutes nouvelles fonctions apparaissent et que d’autres emplois changent ou disparaissent en raison de l’automatisation, il incombe aux travailleurs, consultants et free-lances d’améliorer ou d’étendre leurs aptitudes. « Mais la Belgique n’est pas un très bon élève en matière d’apprentissage tout au long de la vie », ajoute Jan. « Il reste une grande marge de manœuvre pour la croissance surtout en ce qui concerne les aptitudes de carrière et les aptitudes numériques, qui sont pourtant essentielles dans le cadre de la gestion durable des talents. »
« Les gens doivent se rendre compte que leur emploi ne sera pas éternel, du moins pas sous sa forme actuelle. Ils doivent s’y préparer et acquérir des aptitudes pour l’avenir. Cela requiert un certain état d’esprit de croissance, une attitude qui leur permet de ne pas perdre leur valeur ajoutée au sein du département financier. »
Faciliter l’apprentissage tout au long de la vie et lutter contre l’inertie professionnelle
Si l’on considère le marché de l’emploi belge, tant la mobilitéinterne qu’externe reste très faible. Jan : « Beaucoup de gens n’ont pas encore compris l’idée d’une carrière pour la vie. Certains veulent une fonction qui évolue en permanence, tandis que d’autres ont besoin de plus de sûreté ou ne font qu’entamer un changement de carrière. Les gens perdront une partie de leur capacité d’apprentissage et de leur capacité d’adaptation, et c’est ce qui représente l’un des principaux défis à l’heure actuelle. »
Mais l’employeur joue un rôle crucial à cet égard, selon Jan. « Il n’est tout simplement pas possible d’acquérir des aptitudes de carrière dans des cours formels d’une journée. Les employeurs doivent offrir à leurs collaborateurs le coaching nécessaire et créer un environnement dans lequel ils peuvent développer cet état d’esprit, par exemple en leur permettant de participer à temps partiel à d’autres projets ou en prévoyant des programmes de formation. Il faut faire en sorte que les gens ne se retrouvent jamais sans emploi, parce qu’ils se préparent toujours pour la suite : c’est la perspectivede durabilité et la vision à longterme que nous poursuivons. »
Une stratégie prometteuse consiste également à travailler en s’appuyant sur des rôles, au lieu de descriptions de fonction bien définies. « Si vous pouvez affecter quelqu’un à différents rôles ou projets simultanément, vous stimulez vivement les performances de votre entreprise. » En d’autres termes, tout le monde y gagne clairement si les talents ont la possibilité de croître progressivement au sein de l’organisation.
Bien que Jan ait conscience que cette flexibilité accrue ne simplifie pas la gestion des talents, il souligne que la numérisation peut être synonyme de soulagement.
La technologie comme réponse
« Il est vrai que les progrès technologiques compliquent la gestion des talents, mais c’est aussi la clé pour trouver des solutions adaptées. Pensez à tenir à jour un inventaire des talents avec un aperçu de tous les profils (internes et externes) et de leurs aptitudes. Le défi réside dans le suivi continu de cette organisation dite basée sur les aptitudes, afin que vous puissiez immédiatement associer de nouvelles (micro)certifications à des fonctions ou rôles émergents. Si nécessaire, à l’aide de l’IA », conclut Jan.
Dans ce contexte, il ne faut pas non plus sous-estimer la valeur d’une approche individuelle. En effet, chaque personne a d’autres caractéristiques, souhaits et besoins personnels. Outre le contenu spécifique de la fonction, différentes conditions connexes jouent un rôle, comme le besoin de flexibilité, le régime de travail, l’environnement de travail et la relation de travail. « Idéalement, ces facteurs sont repris dans les entretiens de carrière menés régulièrement par l’employeur ou le département des RH avec tous les collaborateurs. Ici aussi, les outils technologiques peuvent aider, par exemple en indiquant qu’une nouvelle évaluation est souhaitable. »